Chapitre 8 - Prévention des accidents et gestions de crise

Malgré la réduction des risques à la source, le risque zéro n’existe pas. La mise en œuvre de barrières pour éviter l’apparition d’incidents et les maîtriser le plus tôt possible est la stratégie prioritaire. Ensuite, la connaissance des produits et procédés et donc des dangers qu’une installation est susceptible de générer permet de dimensionner les moyens de secours et d’éviter certaines activités ou occupations dans des zones exposées.

La catastrophe AZF à Toulouse en 2001 a été le point de départ de profondes évolutions des normes réglementaires notamment la loi du 30 juillet 2003 obligeant la mise en place des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) pour les sites Seveso seuil haut existants. On peut noter que cette mesure a joué un rôle important lors de l’incendie du 26 septembre 2019 à Rouen, puisque le PPRT a conduit, avant que l’incident n’ait lieu, à supprimer des cuves de GPL qui initialement se trouvaient dans le secteur incendié. C’est ainsi que de nouvelles exigences ont été établies afin de faire face, de manière optimale, aux incidents et accidents éventuels. Les exercices de simulation qui avaient lieu tous les 3 ans se voient intensifiés et ont désormais lieu chaque année. Ces exercices ont pour objectif de préparer les exploitants à limiter les dégâts lors de la survenance d’un incident ou d’un accident et à faciliter la communication au grand public sur les faits et risques potentiels. L’arrêté ministériel du 26 mai 2014 dispose que l’étude de dangers doit mentionner les types de produits susceptibles d’être émis lors d’un incendie. Le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) a quant à lui rendu le Plan d’Opération Interne obligatoire pour tous les sites Seveso y compris les seuils bas. Ce POI devra anticiper au mieux les nécessités de terrain des intervenants externes, évitant tout obstacles aux prélèvements et doit être mis à jour en même temps que la liste des produits de décomposition susceptibles d’être émis en cas d’incendie.

Dans le cadre du plan d’actions gouvernemental faisant suite à l’incendie du 26 septembre 2019 mettant en cause l’usine Lubrizol et les entrepôts exploités par la société Normandie Logistique, une augmentation des contrôles de 50% des installations classées avait été annoncée par le gouvernement.

8.1 - La maitrise de l’urbanisation pour une meilleure prévention

Lorsqu’une nouvelle installation soumise à autorisation souhaite s’implanter, elle doit justifier de sa compatibilité avec son environnement en tenant compte des dangers d’explosion, d’effets thermiques ou d’émanation de produits toxiques, des risques importants pour la santé ou la sécurité des populations voisines susceptibles d’être créés.

Des Servitudes d’Utilité Publique (SUP) sont instituées pour les établissements Seveso Seuil Haut ou des Porter à Connaissance des risques technologiques pour les autres. Les Servitudes d’Utilité Publique (SUP), dans un périmètre délimité, peuvent limiter ou interdire les constructions, imposer des prescriptions techniques, limiter le nombre de personnes exposées.

Le Porter à Connaissance (PAC) est également un instrument d’information et de maîtrise de l’urbanisation. Le code de l’urbanisme (article L. 132-2) donne aux préfets la responsabilité de porter à la connaissance des collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme les dispositions législatives et réglementaires applicables au territoire concerné. Pour les risques industriels, le Ministère de la Transition Ecologique a rédigé un guide pour préciser les informations nécessaires à la collectivité territoriale afin qu’elle puisse exercer ses missions de planification urbaine et d’autorisation individuelle de construire. Cette circulaire du 4 mai 2007 définit donc, en fonction du type d’effet et de la probabilité des accidents, des préconisations en termes de constructibilité et de prescriptions techniques à imposer aux constructions nouvelles.

Les Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) ont été réalisés pour les sites industriels dits SEVESO seuil haut existants avant 2001. Les Plans de Prévention des Risques Technologiques (Les PPRT) sont des documents approuvés par les préfets de département, qui définissent des zonages réglementaires des territoires soumis à des risques. Ces territoires sont déduits après analyse par l’inspection des études de dangers. Les PPRT doivent permettre, par des mesures d’urbanisme et de construction, de faire cohabiter les installations industrielles préexistantes et le développement urbain. Les Plans de Prévention des Risques Technologiques ont été réalisés pour les sites industriels dits SEVESO seuil haut existant avant 2001 (tout nouveau site doit être acceptable dans son environnement et, si nécessaire, fait l’objet de mise en place de servitudes d’utilités publiques).

 

Carte des PPRT

     

Établissements concernés par un PPRT en 2023
Département Commune Raison sociale de l’établissement
04 Manosque

GEOMETHANE

GEOSEL
04 Château-Arnoux-Saint-Auban ARKEMA
04 Sisteron SANOFI
13 Saint-Martin-de-Crau EPC
13 Saint-Martin-de-Crau EURENCO
13 Fos-sur-Mer ARCELORMITTAL
13 Marseille – St Menet ARKEMA
13 Vitrolles BRENNTAG
13 Fos-sur-Mer/ « Fos-ouest »

LYONDELL

KEM ONE

ELENGY TONKIN

ALFI
13 Lavera

KEM ONE

INEOS

NAPHTACHIMIE

PRIMAGAZ

GEOGAZ

GAZECHIM
13 Total la Mède TOTAL
13 Cabriès EPC
13 Rognac BUTAGAS
13 Rognac CDH
13 Marignane STOGAZ
13 Fos-sur-Mer/ « Fos-Est » ESSO, DPF, GIE CRAU et SPSE
13 Berre l’Etang

CPB

BPO

LBSF
13 Berre l’Etang LBSF Port de la pointe
83 Puget-sur-Argens DPCA
83 Mazaugues TITANITE
83 La Motte STOGAZ
84 Sorgues CAPL
84 Sorgues EURENCO

   

Focus sur l’approbation des derniers PPRT de la région PACA

À la suite d’un long travail des services instructeurs (DREAL et DDTM) avec les territoires et les industriels, qui aura duré plus de 10 ans, les 2 derniers PPRT (Plan de Prévention des Risques Technologiques) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ont été approuvés par le préfet des Bouches du Rhône :

  • Le PPRT de Fos-Ouest, prescrit en 2012 a été approuvé le 06 avril 2023. Il s’articule autour des sites industriels ALFI Tonkin, Elengy Tonkin, Kem One et Lyondell Chimie France situés en zone portuaire sur le territoire des communes de Fos-sur-Mer, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Arles. Ce PPRT prévoit la mise en œuvre de mesures supplémentaires afin de limiter le montant des mesures foncières restant à financer. Basée sur un arrêté de prescription de ces mesures rédigées par la DREAL, une convention de financement de mesures supplémentaires a été validée et signée par l’ensemble des partenaires (l’exploitant à l’origine du risque qui réalisera les travaux Elengy, la Métropole Aix-Marseille-Provence, la Région PACA et le Département des Bouches-du-Rhône).
  • Le PPRT de Martigues-Lavera, prescrit en 2013 et approuvé le 15 mai 2023, est l’un des PPRT les plus complexes de France, avec ses 4 500 phénomènes dangereux émanant de 10 sites SEVESO (Petroineos, Manufacturing France, Ineos Chemicals Lavera, Ineos Derivatives Lavera, Naptachimie, Kem One, TotalEnergies Raffinage France, Geogaz, Primagaz, Alkion Terminal Marseille et Gazechim) dont les conséquences touchent plus de 700 logements privés. La part de reste à charge de 10 % sera assurée pour moitié par les exploitants à l’origine du risque, et pour moitié par la Région et le Département à participation équivalente.

La complexité des risques à prendre en compte pour construire les aléas et la présence de nombreux enjeux industriels dans la zone portuaire de Fos-Sur-Mer et de plus de 800 logements autour de la plateforme de Lavéra expliquent les délais d’instruction nécessaires pour finaliser ces plans.

Au final, leurs mises en œuvre vont permettent une poursuite équilibrée du développement économique et social dans ces zones tout en maintenant un niveau d’exigence élevée de prévention et de protection face aux risques.

  • En phase de concertation depuis fin octobre 2022, la révision du PPRT de Total La Mède est actée depuis le 11 décembre 2023 avec dix mesures foncières et environ 650  logements impactés par des prescriptions de réduction de la vulnérabilité du bâti.

8.2 - La gestion en cas d’accident et de crise

Les établissements Seveso ont l’obligation de prévoir la gestion des situations d’incident et d’accident :

  • le Plan d’Opération Interne (POi) : mis en œuvre par l’exploitant lors d’un accident, le POi prévoit la gestion des sinistres internes à l’établissement. Ces POi sont obligatoires pour tous les sites Seveso. Pour les établissements seuil bas, l’élaboration d’un plan d’opération interne est obligatoire depuis le 1er janvier 2023. Le plan d’opération interne est testé à des intervalles n’excédant pas trois ans et mis à jour, si nécessaire.

   

  • le Plan Particulier d’Intervention (PPI) : Le PPI est établi sous la responsabilité du préfet de département. Le PPI est déclenché si le sinistre est susceptible d’aller au-delà des limites de l’établissement. Il détermine alors les moyens d’alerte et de gestion du sinistre. Les plans particuliers d’intervention sont établis en vue de la protection des populations, des biens et de l’environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l’existence ou au fonctionnement d’ouvrages ou d’installations. L’approche se base sur les études de dangers, en prenant les dangers maximums. Les moyens sont donc adaptés au type d’accident et à la partie de l’installation qui est mise en cause. Tous les établissements Seveso seuil haut ont un PPI, et parfois d’autres établissements jugés à enjeu local.

   

La transparence et la communication

Depuis plusieurs années, le Ministère de la Transition Ecologique accentue les démarches de transparence et de diffusion des données environnementales au public. La DREAL PACA s’est efforcée de mettre en œuvre cette politique en mettant par exemple en ligne les conclusions des visites d’inspection.

Les exploitants d’ICPE sont tenus de déclarer dans les meilleurs délais à l’inspection tout accident ou incident susceptible de porter atteinte à la santé et/ou la sécurité des tiers (cette obligation est distincte des autres obligations concernant les accidents du travail par exemple). Pour transmettre l’information de manière suffisamment détaillée, une fiche d’information rapide s’appuyant sur les facteurs de gravité et perception a été élaborée. Cette fiche dite « G/P » relate la situation, les conséquences et les premières actions mises en place. Elle est destinée aux services de l’état et à la collectivité locale concernée. Toutefois elle ne permet pas une information adaptée au public. Des communiqués de presse relatant ces données de manière plus accessible pour le grand public peuvent alors être publiés sous l’égide du préfet.

 

La différence entre accident et incident : le principe prévalant est que la distinction entre accident et incident doit différencier les évènements qui ont porté atteinte aux intérêts visés par le code de l’environnement : il s’agit des accidents, de ceux qui auraient pu porter atteinte à ces intérêts, ce sont les incidents. Un évènement est donc qualifié d’incident ou d’accident en fonction de sa gravité et de ses conséquences sur les populations et l’environnement.

Le BARPI

Au sein du ministère de la Transition écologique / Direction générale de la prévention des risques, le Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels (BARPI) est chargé de rassembler, d’analyser et de diffuser les informations et le retour d’expérience en matière d’accidents industriels et technologiques. Le Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels (BEA-RI) a été mis en place fin 2020 pour réaliser, en pleine transparence et de manière indépendante des industriels et des autorités de contrôle, des enquêtes techniques sur les accidents industriels les plus importants pour en déterminer les causes profondes et faire progresser la sécurité.

   

Le dispositif ORSEC est aujourd’hui une « Organisation de la Réponse de SEcurité Civile »


La loi n°2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile et ses décrets d’application réforment en profondeur la doctrine de planification des secours et encadrent un dispositif spécifique. Le dispositif ORSEC a pour objectif de mobiliser et coordonner, sous l’autorité unique du préfet, les acteurs de la sécurité civile au-delà du niveau de réponse courant ou quotidien des services. L’objectif est de développer la préparation de tous les acteurs, publics ou privés, pouvant intervenir dans le champ de la protection des populations. Ce dispositif encadre la mise en place d’une organisation opérationnelle permanente et unique de gestion des évènements touchant gravement la population. Il constitue un outil de réponse harmonisé et partagé aux évènements (accident, catastrophe, sanitaire…). Le dispositif ORSEC permet d’anticiper et de gérer les évènements en apportant une réponse graduée selon les circonstances par le biais d’un niveau permanent de veille, d’un niveau de suivi des évènements traités par les différents acteurs et des niveaux successifs de mobilisation et de montée en puissance du dispositif pour appuyer et renforcer les acteurs sur le terrain. À tous ces niveaux correspondent en particulier : des activations distinctes des éléments de la chaîne de commandement, tel le centre opérationnel départemental (C.O.D), des phases de préparation, d’exercice et d’entraînement nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle. Le préfet rassemble des acteurs identifiés : Service Départemental d’incendie et de Secours, service de l’ARS, services de Police nationale et de Gendarmerie nationale, Conseil général, Direction Départementale des Territoires, Délégué militaire départemental, associations de sécurité civile… En fonction de la situation d’autres acteurs peuvent être intégrés au dispositif.